L'Ivrogne et sa femme
JEAN de LA FONTAINE
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Chacun a son défaut où toujours il revient : Honte ni peur n'y remédie.
Sur ce propos, d'un conte il me souvient : Je ne dis rien que je
n'appuie De quelque exemple. Un suppôt de Bacchus Altérait sa santé, son
esprit et sa bourse. Telles gens n'ont pas fait la moitié de leur course
Qu'ils sont au bout de leurs écus. Un jour que celui-ci plein du jus de
la treille, Avait laissé ses sens au fond d'une bouteille, Sa femme
l'enferma dans un certain tombeau. Là les vapeurs du vin nouveau
Cuvèrent à loisir. A son réveil il trouve L'attirail de la mort à
l'entour de son corps : Un luminaire, un drap des morts. Oh ! dit-il,
qu'est ceci ? Ma femme est-elle veuve ? Là-dessus, son épouse, en habit
d'Alecton, Masquée et de sa voix contrefaisant le ton, Vient au prétendu
mort, approche de sa bière, Lui présente un chaudeau propre pour Lucifer.
L'époux alors ne doute en aucune manière Qu'il ne soit citoyen d'enfer.
Quelle personne es-tu ? dit-il à ce fantôme. - La cellérière du royaume
De Satan, reprit-elle ; et je porte à manger A ceux qu'enclôt la tombe
noire. Le Mari repart sans songer : Tu ne leur portes point à boire ?
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