Le Renard et le Bouc
JEAN de LA FONTAINE
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Capitaine Renard allait de compagnie Avec son ami Bouc des plus haut
encornés. Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez ; L'autre était
passé maître en fait de tromperie. La soif les obligea de descendre en un
puits. Là chacun d'eux se désaltère. Après qu'abondamment tous deux en
eurent pris, Le Renard dit au Bouc : Que ferons-nous, compère ? Ce n'est
pas tout de boire, il faut sortir d'ici. Lève tes pieds en haut, et tes
cornes aussi : Mets-les contre le mur. Le long de ton échine Je
grimperai premièrement ; Puis sur tes cornes m'élevant, A l'aide de
cette machine, De ce lieu-ci je sortirai, Après quoi je t'en tirerai.
- Par ma barbe, dit l'autre, il est bon ; et je loue Les gens bien
sensés comme toi. Je n'aurais jamais, quant à moi, Trouvé ce secret, je
l'avoue. Le Renard sort du puits, laisse son compagnon, Et vous lui fait
un beau sermon Pour l'exhorter à patience. Si le ciel t'eût, dit-il,
donné par excellence Autant de jugement que de barbe au menton, Tu
n'aurais pas, à la légère, Descendu dans ce puits. Or, adieu, j'en suis
hors. Tâche de t'en tirer, et fais tous tes efforts : Car pour moi, j'ai
certaine affaire Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin. En toute
chose il faut considérer la fin.
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