La Femme noyée JEAN de LA FONTAINE
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Je ne suis pas de ceux qui disent : "Ce n'est rien : C'est une femme qui
se noie. " Je dis que c'est beaucoup ; et ce sexe vaut bien Que nous le
regrettions, puisqu'il fait notre joie. Ce que j'avance ici n'est point hors
de propos, Puisqu'il s'agit en cette Fable, D'une femme qui dans les
flots Avait fini ses jours par un sort déplorable. Son Epoux en
cherchait le corps, Pour lui rendre, en cette aventure, Les honneurs de
la sépulture. Il arriva que sur les bords Du fleuve auteur de sa
disgrâce Des gens se promenaient ignorants l'accident. Ce mari donc leur
demandant S'ils n'avaient de sa femme aperçu nulle trace : "Nulle,
reprit l'un d'eux ; mais cherchez-la plus bas ; Suivez le fil de la rivière.
" Un autre repartit : "Non, ne le suivez pas ; Rebroussez plutôt en
arrière : Quelle que soit la pente et l'inclination Dont l'eau par sa
course l'emporte, L'esprit de contradiction L'aura fait flotter d'autre
sorte. " Cet homme se raillait assez hors de saison. Quant à l'humeur
contredisante, Je ne sais s'il avait raison ; Mais que cette humeur soit
ou non Le défaut du sexe et sa pente, Quiconque avec elle naîtra
Sans faute avec elle mourra, Et jusqu'au bout contredira, Et, s'il
peut, encor par-delà.
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