LE LIÈVRE ET LES GRENOUILLES
JEAN de LA FONTAINE
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Un Lièvre en son gîte songeait Car que faire en un gîte, à moins que l'on
ne songe ? ; Dans un profond ennui ce Lièvre se plongeait : Cet animal
est triste, et la crainte le ronge. "Les gens de naturel peureux Sont,
disait-il, bien malheureux. Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite
; Jamais un plaisir pur ; toujours assauts divers. Voilà comme je vis :
cette crainte maudite M'empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.
Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle. Et la peur se corrige-t-elle
? Je crois même qu'en bonne foi Les hommes ont peur comme moi. "
Ainsi raisonnait notre Lièvre, Et cependant faisait le guet. Il
était douteux, inquiet : Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la
fièvre. Le mélancolique animal, En rêvant à cette matière, Entend un
léger bruit : ce lui fut un signal Pour s'enfuir devers sa tanière. Il
s'en alla passer sur le bord d'un étang. Grenouilles aussitôt de sauter dans
les ondes ; Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes. "Oh!
dit-il, j'en fais faire autant Qu'on m'en fait faire ! Ma présence
Effraie aussi les gens ! je mets l'alarme au camp ! Et d'où me vient
cette vaillance ? Comment ? Des animaux qui tremblent devant moi ! Je
suis donc un foudre de guerre ! Il n'est, je le vois bien, si poltron sur la
terre Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi.
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