navigationplus.net navigationplus.net
  section :  poésie    ¶ :  Les premières communions   


LES PREMIÈRES COMMUNIONS
ARTHUR RIMBAUD
Des curiosités vaguement impudiques
Épouvantent le rêve aux chastes bleuités,
Qui s'est surpris autour des célestes tuniques,
Du linge dont Jésus voile ses nudités.

Elle veut, elle veut, poutant, l'âme en détresse,
Le front dans l'oreiller creusé par les cris sourds,
Prolonger les éclairs suprêmes de tendresse,
Et bave... --- L'ombre emplit les maisons et les cours.

Et l'enfant ne peut plus. Elle s'agite, cambre
Les reins et d'une main ouvre le rideau bleu
Pour amener un peu de fraicheur de la chambre
Sous le drap, vers son ventre et sa poitrine en feu.

A son réveil, --- minuit --- la fenêtre était blanche
Devant le sommeil bleu des rideaux illunés ;
La vision la prit des candeurs du dimanche
Elle avait rêvé rouge. Elle saigna du nez.

Elle passa sa nuit sainte dans les latrines,
Vers la chandelle, aux trous du toit coulant l'air blanc,
Et quelque vigne folle aux noirceurs purpurines,
En deça d'une cour voisine, s'écroulant,

La lucarne faisait un coeur de lueur vive
Dans la cour où les cieux bas plaquaient d'ors vermeils
Les vitres ; les pavés puant l'eau de lessive
Soufraient l'ombre des murs bondés de noirs sommeils.

J'étais bien jeune et Christ a souillé mes haleines ;
Il me bonda jusqu'à la gorge de dégoûts !
Tu baisais mes cheveux profonds comme des laines ,
Et je me laissais faire... ah ! va, c'est bon pour vous,

Hommes qui songez peu que la plus amoureuse
Est, sous sa conscience aux ignobles terreurs,
La plus prostituée et la plus douloureuse
Et que tous nos élans vers vous sont des erreurs !

Car ma Communion première est bien passée,
Tes baisers, je ne puis jamais les avoir sus ;
Et mon coeur et ma chair par ta chair embrassée
Fourmille du baiser putride de Jésus.
Christ ! ô Christ éternel voleur des énergies,
Dieu qui pour deux mille ans vouas à ta pâleur,
Cloués au sol, de honte et de céphalalgies,
Ou renversés, les fronts des femmes de douleur.